Quelques
mots de contexte
La contamination des masses d’eau par
les pesticides employés en agriculture constitue une problématique préoccupante
et assez généralisée à l’échelle du territoire français. En complément de bonnes
pratiques à la parcelle, les zones tampons sont une solution intéressante pour
limiter les transferts de pesticides hors des parcelles et diminuer ainsi leur
présence dans les milieux aquatiques (http://zonestampons.onema.fr/). Parmi les
solutions possibles, les bandes tampons
végétalisées (bandes enherbées ou boisées) sont reconnues comme étant efficaces
pour atténuer les transferts de pesticides par ruissellement. Cette efficacité dépend toutefois de bonnes
conditions d’implantation, d’entretien et nécessite un dimensionnement adapté
au contexte agronomique, pédologique et climatique.
Aujourd’hui, ce type de zone tampon est
rendu obligatoire par la réglementation aux abords des cours d’eau BCAE*
sur une largeur de 5 mètres. Toutefois, cette largeur peut-être insuffisante
dans certains cas. Il peut être intéressant de placer également des bandes
tampons complémentaires plus haut dans les versants : à l’interface entre
les parcelles, à proximité des fossés, autour de dolines, etc., selon ce que préconise
la phase de diagnostic préalable (Gril et le Hénaff,
2010 ; Gril et al., 2010). L’étape de
dimensionnement vise alors à déterminer quelle solution est la plus avantageuse
pour atténuer au maximum le ruissellement tout en minimisant l’emprise foncière
consacrée.
Définition
Une bande tampon végétalisée correspond
à une bande de terrain non cultivée positionnée et maintenue dans le paysage de
manière à intercepter les ruissellements émis par une zone agricole avant que
ceux-ci n’atteignent les milieux aquatiques situés en aval. La végétation peut
être constituée d'espèces herbacées (cas des bandes enherbées), arbustive ou
arborée (cas des haies). Il s’agit
d’aménagements rustiques (facilité d’implantation et d’entretien) et peu
coûteux à implanter que les agriculteurs peuvent aisément mettre en place sur
leur parcellaire.
On notera que les bandes tampons ne
représentent qu’une modalité d’implantation de zones tampons végétalisées. En
effet, ces dernières peuvent être également disposées en coin de parcelle, en
fond de talweg, sous forme de prairies… Bien que leur rôle et leur
fonctionnement soient équivalent, ces géométries particulières ne sont pas
abordées dans cet outil de dimensionnement.
Rappel
sur le fonctionnement d’une bande tampon végétalisée
Placée en position d’interception du
ruissellement (en travers de la pente), une bande tampon végétalisée aura pour
principal objectif de favoriser l’infiltration de l’eau dans le sol. Au contact
de celui-ci, les substances véhiculées par l’eau pourront alors être en grande
partie retenues et/ou dégradées. Les critères d’efficacité sont donc ceux
permettant une bonne infiltration (perméabilité du sol, favorisée par un
système racinaire du couvert en place bien développé), associée à une
diminution des vitesses d’écoulement (rugosité et homogénéité du couvert,
pente), mais aussi ceux favorisant une bonne activité biologique au sein du
dispositif (richesse en matière organique). Pour une même quantité de
ruissellement entrant, plus ces critères seront favorables plus la largeur de
la bande tampon sera réduite pour atteindre une efficacité donnée.
Attention! Le terme de largeur de bande tampon est utilisé dans cet
outil pour désigner la dimension de la bande tampon dans le sens de
l’écoulement. Il s’agit de la grandeur clé du dimensionnement : plus la
bande tampon sera large, plus la surface utile pour l’atténuation du
ruissellement sera importante, et plus la bande tampon sera efficace. Par
opposition, la longueur de bande tampon désignera son étendue latérale,
perpendiculairement à l’écoulement, on parlera aussi de linéaire de bande
tampon. |
A
quoi sert cet outil ?
Cet outil est une application web
interactive qui vous permet de déterminer les dimensions d’une bande tampon végétalisée
pour limiter les transferts de produits phytosanitaires par ruissellement entre
une zone agricole et les milieux aquatiques (cours d’eau, plans d’eau mais
aussi zones d’infiltration préférentielle).
À titre de démonstration (formation,
concertation, argumentaire technique), cet outil permet également de visualiser
rapidement comment les caractéristiques d’un site d’étude influencent les
dimensions d’une bande tampon.
A
qui est destiné cet outil ?
Cet outil s’adresse principalement aux
chargés d’étude (bureau d’étude, animateur de bassin versant, conseiller
agricole…), amenés à intervenir dans un projet d’aménagement de bande tampon
végétalisée. Il peut aussi servir de support de formation dans l’enseignement
ou d’outil de démonstration lors de comités techniques. Conçu pour être pris en
main par un utilisateur non expert en modélisation, il nécessite tout de même
de maîtriser des connaissances de base en matière d’hydrologie, de pédologie et
d’agronomie.
Comment
fonctionne cet outil ?
Principe
Cette application vous donne accès à
des abaques de dimensionnement de bandes tampons végétalisées en fonction des
caractéristiques du site d’implantation de votre bande tampon, qu’il est
proposé de décrire au moyen de paramètres simplifiés. Les résultats s’affichent
alors sous forme de graphiques donnant la largeur de bande nécessaire pour
atteindre l’efficacité escomptée (% d’atténuation du ruissellement entrant)
face à différents scénarios de pluies et d’humidité des sols représentatifs de
la zone considérée. Une synthèse chiffrée permet ensuite à l’utilisateur de
déterminer quelle largeur de bande tampon lui semble optimale.
Méthode utilisée
Les abaques mis à disposition dans
cette application proviennent de simulations réalisées à l’aide d’une chaîne
d’outils spécifiquement développée par Irstea pour
représenter aussi fidèlement que possible la complexité des processus
d’interception et d’atténuation du ruissellement au sein d’une bande tampon
végétalisée. La méthode de dimensionnement est décrite en détail dans Carluer et al., 2014 et Carluer et al., 2017.
Cette chaîne d’outils s’appuie en
particulier sur le modèle à base physique VFSMOD, développé aux Etats-Unis (Muñoz-Carpena et al., 1999) puis adapté au contexte
français pour permettre de rendre compte des cas où la présence d’une nappe
sous-jacente peut limiter les possibilités d’infiltration au sein de la bande
tampon, situation assez répandue en bord de cours d’eau (Muñoz-Carpena
et al., 2017 ; Lauvernet and Muñoz-Carpena,
2017). Pour fonctionner, le modèle nécessite de renseigner de nombreux
paramètres sur les caractéristiques de la bande tampon (rugosité du couvert,
propriétés du sol, état d’humidité, pente) mais aussi sur les flux de
ruissellement émis par la ou les parcelle(s) située(s) en amont (surface
contributive). Ces flux sont évalués sur la base de la méthode du « Curve Number » (USDA-SCS,
1972) à partir de la géométrie de la surface contributive (pente, longueur et
surface caractérisées à l’aide d’un outil SIG) et d’un hyétogramme
de pluie représentatif du climat de la zone étudiée pour l’obtention d’un
hydrogramme de ruissellement.
La mise à disposition de résultats pré-compilés à partir d’abaques permet à l’utilisateur de
s’affranchir en grande partie de la complexité de l’approche de dimensionnement
en simplifiant fortement le nombre de paramètres à renseigner.
Les scénarios simulés ont été choisis
avec soin de manière à couvrir une diversité de contextes climatiques,
pédologiques, d’occupation des sols… jugés pertinents et représentatifs à l’échelle
nationale (plus de 2 millions de scénarios simulés).
Schéma de
fonctionnement de la méthode de dimensionnement
(avec en rouge les paramètres à déterminer par l’utilisateur pour l’obtention
des abaques)
Hypothèses
sous-jacentes et limites de l’outil
L’efficacité de la bande tampon est
déterminée à partir de sa capacité à infiltrer le ruissellement entrant (émis
par la zone contributive) pour une largeur donnée. Cette efficacité s’exprime
comme un abattement (en %) entre ruissellement entrant et ruissellement sortant
(100 % lorsque la totalité du ruissellement entrant est infiltrée au niveau de
la bande tampon). Il est alors considéré que la quantité de produits
phytosanitaires interceptés par la bande (retenus ou dégradés dans le sol)
s’effectue en proportion au moins aussi importante que la quantité de
ruissellement infiltré (en réalité cette hypothèse est pessimiste puisqu’elle
ne tient pas compte de la fraction de molécules adsorbées, piégées en surface
par les sédiments).
Les résultats fournis ne sont valables
que dans le cas d’un ruissellement diffus (ou peu concentré) entrant sur la
bande tampon, c’est-à-dire réparti de manière assez homogène sur tout le
linéaire de la bande et pour une hauteur d’eau restant faible. D’autre part, il
est fait l’hypothèse que les résultats sont valables pour une bande tampon qui
est correctement implantée (semis d’un couvert dense et homogène), entretenue
(pas de tassement) et parfaitement connectée à la zone contributive (pas de dérayure
de labour par exemple).
La simplification des paramètres
d’entrée conduit également à poser des hypothèses, fixer des valeurs types ou
proposer des classes de valeur par défaut. Ces hypothèses et les précautions
d’usage qui en découlent sont explicitées dans les fichiers d’aide associés à
chaque paramètre. De plus, cet outil
s’attache à mettre en évidence graphiquement l’incertitude associée à la
méthode du Curve Number en
représentant une enveloppe autour des abaques correspondant au scénario. Néanmoins,
il en résulte nécessairement des approximations par rapport à un
dimensionnement précis reposant sur les paramètres strictement mesurés sur le
site d’étude mais pour lequel le recours à la totalité de la chaine de
modélisation est indispensable. Pour ce faire, un outil complet a également été
développé et est distribuable sur
demande.
Références
Carluer N., Noll D.,
Bernard K., Fontaine A., Lauvernet C. Dimensionner
les zones tampons enherbées et boisées pour réduire le transfert hydrique des
produits phytosanitaires. TSM, n°12, pp101-120, 2014.
Carluer N., Lauvernet
C., Noll D., Muñoz-Carpena
R. Defining context-specific
scenarios to design vegetated buffer zones that limit pesticide transfer via surface runoff
Science of The Total Environment, 575, 701 – 712,
2017.
Gril J-J., Le Hénaff G. Guide de diagnostic de l'efficacité des zones
tampons rivulaires vis-à-vis du transfert hydrique des pesticides.
Rapport Irstea-ONEMA, 46 p., 2010.
Gril J-J., Le Hénaff G., Faidix K. Mise en
place de zones tampons et évaluation de l'efficience de zones tampons
existantes destinées à limiter les transferts hydriques de pesticides: guide de
diagnostic à l'échelle du petit bassin versant. Rapport Irstea-MAAP,
42 p., 2010.
Lauvernet, C. and Muñoz-Carpena,
R. Shallow water table effects on water, sediment and pesticide transport in
vegetative filter strips: Part B. model coupling, application, factor
importance and uncertainty, Hydrol. Earth Syst. Sci.
Discuss., https://doi.org/10.5194/hess-2017-406, in review, 2017.
Muñoz-Carpena, R., Parsons, J.E., Gilliam, J.W. Modeling hydrology and sediment transport
in vegetative filter strips. Journal of Hydrology 214, 111–129. doi:10.1016/S0022-1694(98)00272-8, 1999.
Muñoz-Carpena, R., Lauvernet, C., and Carluer, N. Shallow water table effects on
water, sediment and pesticide transport in vegetative filter strips: Part A. non-uniform
infiltration and soil water redistribution, Hydrol. Earth Syst. Sci.
Discuss., https://doi.org/10.5194/hess-2017-405, in review, 2017.
USDA-SCS. National Engineering Handbook, Part 630 Hydrology. Washington,
D.C., 1972.
*BCAE
= Bonnes Conditions Agricoles et
Environnementales